Nous poursuivons notre découverte des personnalités qui font Troinex. L’histoire d’Alain Pessy est étroitement liée à la commune, où il vit sa passion pour la photographie, la peinture et la pêche depuis presque toujours.
Il y a un beau proverbe qui dit: à la fin, tout arrive, même les choses que l’on désire. Cette maxime accompagne Alain Léon Pessy depuis de nombreuses années. Et pour cause, cet adage va comme un gant à ce troinésien d’origine pour qui la vie aurait pu prendre un tout autre chemin. Alain Pessy est le fils unique, né en 1939, d’un père français nommé Gilbert, et d’une mère originaire d’Avusy. Jeannette, pour les proches, est issue d’une famille de 7 enfants. L’entente n’est pas au beau fixe entre les deux parents. Ils décident très tôt de divorcer.
«À l’époque, les séparations ne se réglaient pas comme aujourd’hui» se souvient Alain Pessy. La justice prendra la décision de ne donner la garde à aucun des parents. «Il faut bien dire que ma maman était un peu démunie. Elle ne travaillait que rarement et dans des emplois plutôt précaires, comme dans des usines de biscuits. Cela aurait été lourd pour elle que de s’occuper seule d’un enfant» précise-t-il. Un tuteur sera donc nommé, mais c’était sans compter sur la grand-mère d’Alain qui se propose pour reprendre la garde plutôt que de voir son petit-fils partir dans une famille d’accueil. Cette solution satisfait le tuteur et Alain part donc vivre chez Marguerite. C’est le début d’une histoire fusionnelle entre ces deux personnes que le destin a uni.
Une famille recomposée
«Ma grand-mère avait perdu deux enfants, dont un s’appelait aussi Léon. Il est décédé tragiquement à 18 ans d’un refroidissement après une course de vélo. Elle a aussi perdu un petit René à 4 ans et sa fille ne pouvait plus avoir de progéniture suite à une péritonite. Il lui restait donc mon père.»
Elle demande alors une faveur à Jeannette: qu’Alain puisse porter ce deuxième prénom, Léon. C’est donc sur ce hasard de la vie qu’Alain Léon atterrit à Troinex au chemin des Crêts à seulement deux ans et demi. Nous sommes en 1943. «Pour la petite histoire, à l’époque, le quartier des Crêts était appelé assez ironiquement par les autres habitants «le village nègre» pour pointer les origines modestes des habitants de ce secteur. La commune était une bourgade assez riche de maraîchers.» Le grand-père d’Alain était menuisier-charpentier. «Comme un castor, il adorait construire des chalets et des maisons. Il a d’ailleurs construit celle où j’ai passé toute mon enfance, et même au-delà du décès de ma grand mère» se souvient notre octogénaire.
Pour l’amour du beau
C’est dans ce contexte familial qu’Alain décide de se former dans une filière assez inédite pour l’époque. «Mon vrai métier est graphiste. Mais j’aurais réellement aimé être photojournaliste de voyage. Un peu comme Nicolas Bouvier» poursuit Alain. À l’époque, le graphisme n’était pas une mince affaire. Tout se faisait à la main. «Il fallait être précis dans le montage et en même temps fantaisiste.» Il convient de préciser que la passion de notre Troinésien a toujours été les dames. Il rêvait dans ses jeunes années d’être coiffeur. «On m’a dit avant de vous occuper des dames, il faut d’abord que vous vous occupiez de
coiffer les messieurs. Le mariage n’a donc pas été conclu.» Il travaille d’abord chez Loutan comme peintre en lettres. Il continue son apprentissage chez un jeune patron graphiste de 25 ans, Pierre Bouvier. Alain avait alors 17 ans. «J’avais une envie très forte de communication, de m’exprimer artistiquement. À l’époque, on appelait ce métier dessinateur publicitaire.» Se souvient-il d’une campagne plus que d’une autre? «Non, vous savez, il y a un dicton dans lequel je me reconnais : un parcours triomphal semé de catastrophes. Parce que dans notre métier beaucoup de gens font des plans sur la comète.» Du travail, Alain n’en a jamais manqué. Il a touché à tout. Ce qui a marqué le plus son parcours, ce sont les catalogues de voyage.
Des voyages plein la tête
Les voyages, voilà quelque chose qui tient à cœur de notre retraité. «Mon premier amour a été l’Italie.» Après la déroute de la guerre, la péninsule s’est paupérisée. Un jour, un beau jeune homme de 26 ans, Frédéric, est arrivé chez nous pour trouver un logement. À l’époque, les saisonniers venaient planter des endives dans la région. Ma grand-mère faisait à manger à midi à ces jeunes travailleurs. C’était un peu la centrale des Italiens du coin, nous étions toujours 6 ou 7 à table.» Frédéric est progressivement devenu une sorte d’intendant de la maison et c’est lui qui a permis à Alain de faire son premier voyage avec sa tante Renée, qui elle aussi a été comme une seconde mère pour lui. «Elle travaillait au Bon Génie dans les colifichets et les accessoires. Elle m’amenait à toutes les sorties de produits. J’ai été gâté quand même. Je dois dire que j’ai eu une enfance quand même assez merveilleuse. C’est ma tante qui m’a donné la passion de la mode. Elle était très glamour » se souvient, ému, Alain. Ce sera le premier d’une longue série de voyages.
«Dans les années 60, nous avons acquis une petite Renault Dauphine. C’est à ce moment que ma grand-mère m’a confié qu’elle avait aussi envie de voyager. Les grands-mères n’osent pas dire leurs désirs. C’est là qu’a commencé notre triple périple en France», complète-t-il. La première année direction le midi. «Ma grand-mère a dû lire beaucoup de Chateaubriand, puisqu’elle avait une obsession pour l’océan.» Elle verra l’atlantique en 1965. Marguerite était atteinte d’une tumeur. Le troisième voyage, dans le sud-ouest de la France, sera leur dernier. «Après les choses se sont gâtées au mois de novembre lorsque je suis allé aux champignons. Elle est partie au printemps 1967.»
Bio Express
Naissance d’Alain Léon Pessy
Alain Léon Pessy termine son apprentissage de graphiste
Décès de la grand-mère d’Alain, Marguerite
Vente de la maison des Crêts
Alain se lance dans peinture
Exposition à la Ferme Rosset en octobre
Un travail de passionné
Côté professionnel, Alain a 27 ans lorsque son employeur, Tavaro, procède à des licenciements. Alain est alors à la croisée de chemins. Il travaille d’abord chez Delta, une agence de pub à la rue du Vieux-Billard avant de concrétiser un rêve en aboutissant au service de publicité de L’Oréal. Retour aux sources. C’est lui qui faisait les dessins de coiffure pour offrir aux salons qui prenaient les meilleurs produits. «On est toujours aimanté par ce que l’on aime. Il ne faut jamais déplorer ce que l’on n’a pas pu faire.» Les passions d’Alain ont toujours été nombreuses: la photo, la pêche, le dessin. «Avec mon ami Gilbert Henchoz nous partagions tout. Nous étions passionnés du Servette et du cinéma. Des fois, nous quittions le stade et on courait vite au Voltaire pour voir Gérard Philippe. Nous étions des forçats du plaisir.» C’est grâce à un concours photo dans ELLE qu’il découvrira un nouveau pays. «Ma photo montrait la récolte du Thon à SaintJean-de-Luz. Cela m’a permis d’aller en Irlande. Ça a été le coup de foudre. Nous y sommes d’ailleurs retournés en roulotte avec Gilbert, sa femme Elisabeth et leur fiston Sylvain.» Des amis fidèles, Alain en aura eu de nombreux. «Emmanuel Espana m’aura lui permis de travailler pour un tour-opérateur et de nourrir ma passion pour les catalogues de voyages où je pouvais allier la photo, le voyage et mes compétences de graphiste» précise notre retraité. Aujourd’hui encore, les commandes ne manquent pas pour notre sympathique troinésien. «En plus de la décoration des radars (voir encadré), j’ai des commandes de banques, de l’horlogerie ou de l’orfèvrerie qui sont des domaines très friands de calligraphie.»
C’est au début des années 2000 qu’Alain se met à fond à la peinture. Sa première exposition fut organisée à Troinex et s’en suivra une série d’autres dans différents lieux de la région. «Je suis finalement un jeune peintre. J’ai une nouvelle expo prévue au mois d’octobre à la Ferme Rosset. Dieu sait que la programmatrice me prête santé.» C’est tout ce qu’on lui souhaite aussi.
Alain, peintre des grands-chemins
L’un des faits d’armes les plus récents d’Alain Léon Pessy est la décoration de radars de contrôle de la vitesse sur la commune de Troinex, mais pas que.
Alain Pessy, comment vous êtes-vous retrouvé à pouvoir vous exprimer sur des radars?
Merci à la commune de Troinex qui a eu cette idée connaissant mon activité artistique. Je travaille à l’acrylique. Le béton la supporte très très bien. C’est très plaisant.
Comment les reconnaît-on?
À l’origine, il y en avait trois. Aujourd’hui, vous pouvez toujours voir celui que j’ai dédié aux renards à la route de Troinex. J’en avais aussi peint un avec des poulets. On pouvait y voir des gallinacés dont les plumes se transformaient en nuages. J’y avais aussi réservé une place en hommage à ma chatte siamoise Susie que j’ai gardée 22 ans. J’ai aussi fait un radar consacré à un hibou, mais lui aussi a disparu. Sur la commune de Plan-les-Ouates, au chemin des Grandes-Communes, il reste celui que je trouve le plus réussi : les grenouilles.
C’est une belle opportunité de s’exposer sur le domaine public?
Oui, c’est vrai. Cela permet de vivre des choses assez originales. J’ai même fait des vernissages autour des radars, c’est quand même cocasse. Une jeune originaire de Mongolie venait m’apporter des pommes
quand je travaillais sur les renards. C’est ça qui est chouette: on fait des rencontres.
Vous avez été sollicité par une autre commune pour donner vie à ses radars…
Il y a trois ou quatre ans, la commune de Cologny m’a donné ses trois radars à peindre. C’est chic, non ? J’ai peint une jeune dame modèle à la Pointe à la Bise par exemple. Le plus visible est sûrement celui qui est au centre du village.