Fabriquer un tabernacle en signe de soutien à l’église chrétienne de Mossoul, c’est le projet d’un homme, François Reusse, troinésien, orfèvre en art sacré à la retraite. Retour sur cette belle aventure.
C’est en 2015, alors qu’il suit de près l’actualité autour de l’invasion de Daesh en Irak, que François Reusse, touché par la situation des populations chrétiennes à Mossoul obligées de s’exiler sous la menace djihadiste, décide de leur apporter son soutien. « Sachant qu’ils avaient tout pillé, tout cassé, je me suis dit : mon aide pour cette communauté chrétienne, ça pourrait être de leur fabriquer un tabernacle pour un de leur lieu de culte. » L’idée va gentiment germer dans sa tête et quelque temps plus tard, il se met au travail. Fort de toute son expérience dans la joaillerie et armé de son fidèle attirail, il s’enferme des mois durant dans son atelier pour confectionner la pièce.
La fabrication d’un tabernacle est précise et François Reusse procéde avec minutie. Il commence par dessiner les premiers croquis pour que l’église chrétienne de Mossoul puisse valider les plans et expliquer en détail ce qu’elle souhaite voir apparaître sur le tabernacle. Ensuite, les premières pièces sont réalisées en bois : « Le but, c’est surtout d’avoir une idée des volumes et des proportions ». Une fois terminée, chaque pièce est recouverte de cire pour en faire un moule qui servira plus tard à la conception des objets définitifs.
Finalement, le bronze liquide est coulé dans les moules, les pièces sont assemblées et l’imposant tabernacle de 80 kilos voit le jour. C’est une boîte de bronze surmontée d’un Christ qui sort de la bouche béante d’une baleine, soutenue par quatre piliers représentant les êtres phares des évangélistes. Les côtés du tabernacle sont quant à eux recouverts de signes et de symboles catholiques méticuleusement choisis par l’artiste et l’évêque. Un travail d’orfèvre, véritablement, qui se sera étalé sur presque trois
années.


Le voyage à Mossoul
Mais l’aventure n’est pas terminée pour autant ; il faut maintenant transporter l’objet jusqu’en Irak. Si le voyage était initialement prévu pour octobre 2021, la tension sur place provoquée par les élections législatives contraint les organisateurs à repousser le voyage de quelques mois. En février dernier, François Reusse part enfin pour Mossoul, avec un groupe composé de neuf personnes. Arrivé sur place, il est frappé par l’ampleur des dégâts : « Dans la région, l’église qui a accueilli le tabernacle était la seule église restaurée sur treize ». Le moment est émouvant. Tant pour le bijoutier genevois que pour la population sur place. La pose de l’objet au centre de l’église est chargée de sens ; ce tabernacle est le symbole d’une forte solidarité chrétienne transnationale. « Je ne me rendais pas compte de l’importance que ça avait pour eux. Ils étaient vraiment très touchés qu’on ne les oublie pas ». François Reusse a également été agréablement surpris par l’entraide existante entre les groupes religieux : « Beaucoup de musulmans sont venus m’aider à monter le tabernacle ». C’est un week-end festif, rythmé par les célébrations et les échanges.
Un retour compliqué
Un précieux moment partagé qui a rendu le retour à Genève difficile : « C’était un grand vide pour moi. J’ai travaillé des mois, voire des années sur ce projet et d’un coup, plus rien. » Comme le veut le célèbre adage, « toutes les bonnes choses ont une fin », l’aventure est belle et bien terminée. L’expérience humaine fût riche d’enseignements pour le retraité qui aujourd’hui, s’il n’a pas encore complètement atterri de son périple, réfléchit déjà au prochain projet : « J’ai plein d’idées ! Peut-être que ça se réalisera un jour. »
C’est tout ce qu’on peut désormais souhaiter à ce Troinésien au grand cœur, que d’autres beaux projets comme celui-ci voient le jour, et vite !
