Autrefois piratée par les moineaux, la colonie d’hirondelles du 1-3-5, chemin Emile-Dusonchet se porte à merveille aujourd’hui grâce à la pose de nids artificiels. Une démarche indispensable à la sauvegarde de l’espèce initiée par Jean-Jacques Hägler et soutenue par les habitants de l’immeuble.
On l’aime lorsqu’elle virevolte sous nos yeux, gracieuse et agile. On apprécie ses couleurs, ce subtil mélange de noir aux reflets bleus et de blanc d’une rare pureté. Infatigable migrateur capable de parcourir jusqu’à 10’000 km pour rejoindre l’Afrique en octobre, l’hirondelle de fenêtre qui vit en colonies regagne chaque printemps nos contrées pour se reproduire, avec la particularité de revenir nicher au même endroit. Les nids naturels tombent au bout de quelques années, mais sont fidèlement reconstruits. «Abritées sous les avant-toits, les hirondelles étaient là bien avant moi et il y avait déjà une demi-douzaine de nichoirs artificiels installés là il y a fort longtemps», indique Jean-Jacques Hägler, maquettiste d’architecture, qui habite depuis une vingtaine d’années le petit immeuble de trois étages au 5 chemin Dusonchet, construit dans les années 1960.
Action anti-squat
Sa démarche en faveur de cet élégant petit passereau, en régression notable à Genève comme dans toute la Suisse, est née de son agacement face au piratage de ces nids d’hirondelles par les moineaux. «Ils les détériorent en forçant l’entrée étroite de ces nids en quart-de-boule formidablement bâtis, patiemment façonnés avec des petites boulettes de terre humide mélangée avec de la salive – entre 700 à 1’500 sont nécessaire pour un seul nid –.» Finalement, il a entrepris une action anti-squat par le biais de nids artificiels adaptés, fixés sous les avant-toits au-dessus des balcons. À son initiative, les balcons de quatre habitants voisins ont été équipés de nichoirs dès 2017 et un cinquième balcon a reçu des nichoirs en 2022. Ces aménagements ont été agréés par la régie immobilière et la Commune à condition qu’ils n’impliquent pas de frais à leur charge et que l’immeuble reste propre. «Les nichoirs ont été achetés auprès du Centre Ornithologique de Réadaptation de Genthod et ont été pourvus de planchettes qui empêchent les déjections de salir les façades.» Chaque année, Jean-Jacques Hägler se charge de les vider et de récolter la fiente, excellent engrais pour les jardins et potagers. L’achat des nichoirs et leur pose qui a nécessité l’intervention d’une entreprise d’élagage, ont été à sa charge.
L’engagement est indispensable et le plaisir partagé. «Aujourd’hui, plus d’une quarantaine de nichoirs sont occupés par quelque 80 hirondelles. Avec deux couvées durant l’été, la colonie qui apparaît comme étant parmi les plus importantes du canton, a plus que doublé en un an.» Le constat des habitants est unanime: les gazouillis harmonieux et discrets des hirondelles ont remplacé les piaillements très matinaux des moineaux. Certes un peu timide, mais tout près de l’homme qu’elle ne craint pas, et moins farouche que sa cousine rustique, l’hirondelle de fenêtre reste cette aérienne ballerine qui délivre l’environnement de mouches, pucerons, moustiques et autres insectes, qu’elle capture en vol pour se nourrir.
Déménagement au «Champ du Curé»
A moyen terme, au nombre des étapes de mise en œuvre du projet communal de centre du village, la construction de trois petits immeubles de logements sur le terrain du «champ du curé» viendra compenser la démolition, au vu son ancienneté, du bâtiment du chemin Emile-Dusonchet 1-3-5. Jean-Jacques Hägler observe avec bonheur que les nichoirs d’hirondelles déménageront aussi avec les habitants relogés. Accueillante et sensible à la biodiversité, la Commune de Troinex a effectivement décidé de les intégrer au cahier des charges du concours d’architecture.
un oiseau menacé
L’hirondelle de fenêtre est la plus répandue dans notre pays, principalement en-dessous de 1’000 m d’altitude, montant localement à plus de 2’000 m dans les Grisons et en Valais.
Dans le ciel, on la distingue aisément de sa cousine rustique par son croupion blanc, sa queue courte dépourvue de filets et son vol plus lent, avec parfois de longs planés.
Dans nos paysages suisses exploités intensivement, elle souffre du manque de sites de nidification et du manque de nourriture.
On estimait encore la population d’hirondelles de fenêtre dans notre pays à un effectif compris entre 100’000 et 200’000 couples dans les années 1990. Selon le Groupe ornithologique du Bassin Genevois, ce nombre s’est réduit d’au moins un tiers.
Depuis 2010, l’hirondelle de fenêtre figure dans la liste rouge des oiseaux nicheurs de Suisse, en tant qu’espèce potentiellement menacée. Elle fait partie des 50 oiseaux prioritaires en Suisse.
Cette visiteuse d’avril à octobre niche généralement en colonies, parfois sur les parois rocheuses, mais surtout dans les agglomérations. Les villages constituent son habitat typique. Alors que l’hirondelle rustique préfère les granges et étables en construisant son nid à l’intérieur, l’hirondelle de fenêtre recherche les avant-toits des immeubles.
Maintenir des zones de boue nécessaires à l’hirondelle pour maçonner son nid et poser des nids artificiels, souvent rapidement adoptés par leurs «locataires», sont des actions utiles à la reproduction et la conservation de l’espèce.
Les hirondelles de fenêtre peuvent se confronter aux moineaux opportunistes, mais mettent aussi souvent aux abois des propriétaires immobiliers craignant des dégradations sur leurs façades. Dotés de planchettes de protection, les nids artificiels permettent d’envisager une cohabitation paisible entre l’homme et ces messagères du printemps, tout en pérennisant et en développant les colonies existantes.
Pour plus d’informations:
Zoom sur le groupe ornithologique du bassin genevois
Section cantonale de BirdLife Suisse, le Groupe Ornithologique du Bassin Genevois (GOBG) a été créé en 2011 par un petit groupe d’ornithologues curieux de partager leurs connaissances et désireux de protéger certaines espèces sensibles dans le canton et à l’échelle nationale.
Aujourd’hui, notre association contribue à la protection et au suivi de 17 espèces, grâce à des plans d’action ciblés (pose de nichoirs, recensements, création de milieux favorables, etc.) et à des projets de sensibilisation (sorties ornithologiques, conférences, participation à des manifestations).