Directeur du Festival Assemblage’s, Patrick Hess est une figure bien connue de Troinex. Ce septuagénaire à la vie bien remplie est toujours en quête de partager ses passions et son savoir-faire.
Patrick Hess, 3ème personnage de notre série de portraits Les gens qui font TroinexPatrick Hess est un enfant de la ville. Il est né à Genève dans le quartier de Sécheron en 1950. À 19 ans déjà, il quitte la ville pour la campagne, direction Anières. « En ces temps-là, louer une maison à plusieurs, c’était la grande mode. Le passage obligatoire vers l’indépendance. »
À l’époque, le Canton ne connaît pas la crise. « Jeune, j’ai fait plusieurs boulots temporaires. C’était très simple de trouver un emploi en tant qu’étudiant. Quand je pense au contexte actuel, je n’ai de cesse de me dire que c’était des temps bénis ». Le début des années 70 marque aussi l’ouverture d’une période de vaste mobilisation. « Je suis ce que l’on pourrait appeler un soixante-huitard. On s’engageait assez facilement dès qu’il s’agissait de contester l’ordre établi. À Genève, ça bougeait beaucoup. »
Qu’est-ce qui le révoltait ? « La mondialisation ne nous occupait que peu. Tout comme la question du dérèglement climatique. Nos préoccupations étaient plus locales et sociales. Avec mes amies et amis, nous avions une approche très collective. Nous mettions les salaires en commun avant de décider ce que nous allions en faire. Pour autant, l’esprit était loin d’être baba cool. » « Ce qui est rigolo, c’est que ce système de coloc a duré assez longtemps puisque mes deux premiers enfants, Sylvain et Camille, sont nés en coloc à Landecy d’un premier mariage. »
La transmission pour passion
Après une maturité classique à Calvin, Patrick Hess obtient en 1975 une licence universitaire en psycho-pédagogie. Il a déjà l’enseignement chevillé au corps. « Durant mes études, j’ai fait de nombreux remplacements. A l’époque, le DIP aimait bien engager les personnes ayant un cursus qui commence par « psy » pour s’occuper d’élèves considérés comme ascolaires. J’ai tout de suite été extrêmement motivé de travailler avec des jeunes dans des situations dites particulières, même si je ne suis pas très à l’aise avec ce terme. » C’est le début d’une longue période d’enseignement à des ados. « Ce furent des années géniales et assez libres. Nous organisions des camps de voile avec des jeunes qui n’avaient jamais vu la mer. Quand vous racontez ça à des profs d’aujourd’hui, ils tombent des nues et je les comprends. Les enseignants sont beaucoup plus exposés qu’avant et ça rend les choses plus compliquées. » Patrick Hess sera durant des années prof de classe.
Lorsque l’on suit des jeunes durant deux ou trois ans, ils finissent presque par faire partie de la famille.
Patrick Hess
Des projets plein la tête
Le proverbe Africain « seul, on va vite, ensemble, on va plus loin » résonne tout particulièrement chez notre jeune retraité. « J’aime imaginer et réaliser des projets. » Vous l’aurez compris, la contemplation, très peu pour lui. Créer du lien, c’est ce qui l’anime et sa passion pour l’enseignement en est la preuve. « On ne se rend pas forcément compte des traces que l’on laisse chez les élèves. Quand vous croisez quelqu’un qui vous a connu en tant que prof il y a 30 ans et qu’il vous accueille à bras ouverts, il se passe véritablement quelque chose de très fort. Il y a une part d’ego dans tout ça, mais cela nous rappelle aussi que l’on n’est pas juste là pour faire des maths ou de l’allemand. »
Réaliser avec les autres
En 1982, une nouvelle page s’ouvre pour Patrick Hess. Il se forme à la réalisation de films. Une corde de plus à son arc et qui colle parfaitement à son caractère. « Un réalisateur, ce n’est pas un mec qui fait un film tout seul. C’est un mec qui va chez les gens. Qui construit collectivement et, en ce qui me concerne, qui parle de sujets de société. On doit s’informer. Nourrir sa curiosité pour les autres. » C’est une des lignes directrices qui portera Patrick Hess dans son parcours professionnel. « Le fil rouge de ma carrière est de m’être toujours entouré de compétences pour réaliser des projets. Pour contribuer, sans prétention, à construire quelque chose pour la collectivité. » De cette passion pour l’image en mouvement et pour les histoires naîtra une vingtaine de films.
En 1983, Patrick Hess et ses enfants poseront leurs bagages à Troinex. « C’est un privilège de vivre à quelques minutes de la ville. C’est aussi une commune où il y a une volonté, notamment au niveau des autorités municipales, d’inciter à se rassembler. A titre d’exemple, la commune a récemment consulté la population sur l’avenir de notre territoire. Même si ce type de démarche est à la mode, je pense que l’on peut le faire bien ou moins bien. J’apprécie cet état d’esprit de co-construction. »
BIO EXPRESS
Maturité classique au collège Calvin
Master en psycho-pédagogie et enseigne plus de 15 ans au cycle d’orientation à Genève
Naissance de son 1er fils Sylvain
Naissance de sa fille Camille
Se forme à la réalisation film/TV. Jusqu’en 1998, il réalise plus de 20 documentaires sur des sujets de société
Rejoint la direction générale des cycles d’orientation
Naissance de son 2ème fils Vincent
Prend la présidence du tournoi sportif de l’agorespace
Devient secrétaire général adjoint du département de l’instruction publique de la culture et du sport
Crée le festival Assemblage’S des arts de la scène de Troinex.
Nourrir l’esprit critique
Comme il n’a jamais vraiment quitté l’éducation, Patrick Hess intègre en 1994, une année avant un second mariage et la naissance de son deuxième fils Vincent, la direction générale des cycles d’orientation. Il œuvrera notamment à la mise en place de programmes d’éducation aux médias – ce que l’on appelait alors « la critique de l’information ». « Avec le développement de l’ère médiatique, notre postulat était qu’il fallait apprendre à utiliser ces canaux d’information plutôt que de se laisser dépasser par eux. L’école genevoise a été visionnaire sur cette question. » Fort de cette tonalité donnée à son parcours, Patrick Hess montera pour le DIP le « Service École et Médias » afin de coordonner les initiatives sur cette thématique.
« Même si elle se provoque, je dois reconnaître que j’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. En 2005, on m’a proposé d’intégrer le Secrétariat général du département de l’instruction publique. »
Jusqu’en 2013, il assumera les fonctions de chef de projets puis de secrétaire général adjoint. « C’est extrêmement enrichissant de voir, d’apprendre et d’être confronté aux affaires de la République, surtout dans un département aussi vaste que le DIP. » L’occasion pour lui, après tant d’années passées derrière la caméra, de se retrouver dans l’œil des journalistes. Une preuve encore de la capacité de notre septuagénaire à sortir de sa zone de confort.
Et la retraite dans tout ça ? « J’ai eu le privilège de pouvoir quitter la vie professionnelle de manière anticipée. En réalité, j’ai arrêté parce que j’avais un projet : le Festival Assemblage’S. » L’occasion aussi pour Patrick Hess de donner plus de temps à ce qui compte pour lui : la famille, les amis, la culture, le sport et… la cuisine.

Assembler les troinésien·nes
En 2011, Patrick Hess crée le festival Assemblage’S avec Lucia Albertoni, une amie de Troinex. Il le dirige depuis dix ans.
Comment a débuté cette aventure ?
En 2010, la salle des fêtes a été inaugurée. Troinex est une commune assez particulière. Elle s’est construite en partant d’une zone agricole avant d’être investie par des familles. Il n’y a pas vraiment de place du village par exemple. La population y est plutôt mixte et bigarrée même s’il s’agit d’une commune aisée. Cette nouvelle salle nous a donné beaucoup d’idées pour faire en sorte que ce patchwork d’habitantes et d’habitants puisse se rencontrer. Nous sommes donc allés voir la Mairie en lui demandant ce qu’elle comptait faire de ce bel outil. Tout cela a donné lieu en 2012 à la première édition du festival qui a rencontré un joli succès.
En terme de programmation, quelle était l’intention de départ pour le festival ?
L’idée était de faire connaître des artistes souvent primés à l’extérieur du pays, mais méconnus chez nous. Nous voulions aussi positionner Troinex comme un lieu de culture. Notre ADN ? Les arts de la scène.

Quel bilan tirez-vous 10 ans plus tard ?
Nous avons réussi à faire venir des artistes suisses ou étrangers hors du commun. Le public a très vite répondu présent ; peut-être parce que, en danse, en théâtre ou en musique, nos propositions sont en général assez innovantes. Cette année, par exemple, nous avons participé à la création d’une compagnie espagnole qui bouleverse les codes du cirque traditionnel. Mais pour l’accueillir il a fallu obtenir l’autorisation et les moyens d’implanter un chapiteau sur le terrain jouxtant la salle des fêtes de la commune et monter un partenariat. Ce fut l’occasion de rencontrer la famille Gasser du cirque suisse Starlight. Des professionnels magnifiques qui vivent des choses folles dans un univers complètement différent.
Et la commune dans tout ça ?
Je dois dire que nous avons vraiment de la chance à Troinex. Ce projet est sorti de notre imagination et la commune a toujours su nous soutenir. C’est une vraie reconnaissance. Mais ce qui me touche le plus, c’est la mobilisation des 70 bénévoles. Ces personnes donnent tout durant la période du festival et c’est à elles et eux que l’on doit l’esprit de cette manifestation. Troinex est une commune qui est en train de grandir. 1000 habitantes et habitants vont arriver entre 2022 et 2024. Je suis fier de pouvoir réfléchir, aux côtés de la municipalité, à la manière d’accueillir au mieux ces nouvelles personnes. Nous envisageons, entre autres, la mise en place d’une petite programmation culturelle qui s’égrainerait durant toute l’année.
Pour en savoir plus sur le Festival Assemblage’s rendez-vous sur assemblages.ch